Huiles essentielles et insomnie et si nous faisions le point !

Notre Expert

Thomas Kassab est docteur en pharmacie, spécialiste en éducation thérapeutique et formateur médical. Après une thèse en oncologie, il se spécialise en virologie et en phytothérapie-aromathérapie. Il prodigue ses conseils à ses patients, au sein d’une officine (Paris), et à ses lecteurs et ses auditeurs dans différents médias.

 

Afin d’aider des patients atteints de troubles mineurs du sommeil, des traitements à base de plantes  ou d’huiles essentielles offrent une alternative possible aux traitements conventionnels à base de benzodiazépines. Ces solutions naturelles, mais non dénuées d’interactions ou d’effets secondaires, trouvent de plus en plus leur place au sein de nos sociétés, car la demande est grandissante à l’image des offres des laboratoires pharmaceutiques qui ne cessent de croître.

Mais face à cet engouement pour les huiles essentielles1, aux compositions toujours plus inédites et aux présentations toujours plus innovantes, il est important d’être vigilant sur la provenance des matières premières, les allégations employées et les risques d’adultération en aromathérapie avec des produits frelatés ou coupés à d’autres substances. Quelles huiles essentielles employer et comment les utiliser ? Voici nos réponses.

Des huiles issues de quelles plantes ?

Les plantes dites « aromatiques » renferment des composés complexes aux propriétés thérapeutiques parfois remarquables et constituent la base de l’aromathérapie, issue du latin « aroma » signifiant arôme2. Ces derniers peuvent se concentrer en extraits, appelés huiles essentielles, par différents types de procédés. Qu’ils soient issus de plantes, d’écorces ou de fruits, ces composés volatils peuvent s’obtenir par diverses méthodes comme l’hydro-distillation pour la lavande, la distillation sèche pour le bouleau ou encore le pressage ou l’expression mécanique pour les écorces ou pour les zestes d’agrumes. Quelques huiles essentielles, aux vertus apaisantes, peuvent être proposées dans le cadre d’un accompagnement contre l’anxiété ainsi que pour pallier les différents troubles du sommeil.

Quelles indications pour quelles huiles ?

Composée de linalol, d’acétate de linalyle et de terpinene-4-ol, l’huile essentielle de lavande (Lavandula officinalis) tire son épingle du jeu pour aider à traiter l’insomnie. Déployant une action à la fois anxiolytique2 , sympatholytique (calmant le système nerveux) et antispasmodique (décontractant musculaire), elle offre ainsi des propriétés favorisant le sommeil3. Sa diffusion à froid se révèle intéressante dans une pièce où la sérénité est appelée, comme la chambre par exemple.

Loin de l’effet placebo, les propriétés de l’huile essentielle de lavande sont très documentées et approuvées par l’Agence Européenne du Médicament (EMA)4 (renvoi vers l’article « insomnie et prise en charge »). De manière générale, sa posologie usuelle chez l’adulte est de l’ordre de 20 à 80 mg par jour. On peut également l’appliquer en massage au niveau du plexus solaire par exemple*, en prenant soin de la diluer préalablement à 5 % dans une huile végétale comme l’amande douce, soit environ 15 gouttes d’huile essentielle dans 10 ml d’huile d’amande douce.

D’autres huiles essentielles ?

L’huile essentielle tirée de la feuille d’oranger amer (citrus aurantium) offre également des propriétés antispasmodiques neurotropes en raison de ses constituants (linalol, limonène et bêta-myrcène). Ces dernières lui confèrent une vertu sédative et calmante5. Bien qu’elle ne bénéficie pas de l’approbation officielle de l’EMA dans la prise en charge de l’insomnie, elle est souvent citée et recommandée dans la littérature. Aussi, plus connue en tisane, l’huile essentielle de camomille (chamamaelum nobile) est également intéressante pour pallier l’insomnie6.

Sa composition riche en esters chimiques variés (mono ou sesquiterpènes et angelate d’isobutyle) lui confère des propriétés sédatives. A l’image de l’huile essentielle de lavande, ces deux huiles peuvent se diffuser dans l’atmosphère ou s’appliquer, après dilution, en massage léger sur la peau, comme au niveau du plexus solaire.

Une association d’huiles essentielles est-elle intéressante ?

Une association de ces trois huiles essentielles est possible pour obtenir une synergie d’action de chacun des composants. Classiquement, pour traiter les troubles du sommeil, on conseille un mélange de 2 ml de chacune de ces trois huiles dans 60 ml d’huile végétale comme l’huile d’amande douce. Ce mélange peut s’utiliser également en massage ou encore en diffusion dans l’atmosphère. D’ailleurs, celle-ci doit s’opérer à froid, car une chaleur trop élevée risque d’altérer les composants chimiques et amoindrir leurs propriétés thérapeutiques en ne gardant que les caractéristiques olfactives7.

Quel type d’huile essentielle privilégier ?

Avant d’utiliser une huile essentielle, il convient de vérifier certains critères pour garantir une sécurité d’emploi. En premier lieu, l’huile essentielle doit provenir d’une espèce végétale botaniquement et biochimiquement parfaitement définie. Une origine abstraite ou ambiguë devrait proscrire l’utilisation de l’huile essentielle.

Secondairement, l’huile essentielle doit faire preuve d’une composition pure et naturelle, sans additifs ni conservateurs, dans le but d’éviter d’apporter à l’organisme des composés chimiques potentiellement allergisants. Enfin, il est recommandé de se méfier des huiles essentielles dont le prix est anormalement bas par rapport aux prix du marché. Alors qu’un prix élevé n’est pas gage de qualité, une offre trop ‘bon marché’ peut être synonyme d’huile frelatée.

Les limites de l’aromathérapie

Bien que leurs propriétés thérapeutiques soient intéressantes en améliorant les troubles légers du sommeil, en général, elles ne suffisent pas à elles seules à solutionner un trouble du sommeil plus profond. D’ailleurs, pour une meilleure efficacité, les huiles essentielles peuvent s’utiliser en association avec un traitement de phytothérapie ou en complément ou relais d’un traitement conventionnel. De plus, l’utilisation chez l’enfant est déconseillée, tout comme chez la femme enceinte ou une personne souffrant de troubles neurologiques comme l’épilepsie, en raison de la présence potentielle de cétone, un composé chimique neurotoxique et abortif.

Quelles précautions d’emploi ?

La première prudence consiste à prendre conseils avant d’envisager d’utiliser une huile essentielle car les modes d’utilisation et les précautions consécutives peuvent différer. Par exemple, de nombreuses huiles peuvent s’avérer photosensibilisantes voire dermocaustiques, comme l’huile essentielle de cannelle, d’où la recommandation de procéder à un test cutané avant utilisation. Ce test consiste à appliquer une à deux gouttes d’huile essentielle au niveau du pli du coude et de vérifier, un jour après, l’absence de réaction allergique.

De plus, si vous possédez des animaux, notamment des félins, il est préférable d’éviter toute diffusion d’huiles essentielles dans une pièce fermée car ces dernières sont fortement toxiques pour eux9. Pour terminer, les huiles essentielles peuvent entrer en interaction avec certains traitements médicamenteux comme des anticoagulants10. Pour cette raison, il est recommandé d’avoir l’aval de votre médecin ou de votre pharmacien pour utiliser sereinement une huile essentielle.

 

Bibliographie :

1. Article « Les huiles essentielles » de la DGCCRF. Année 2018.

2. Article « L’aromathérapie et les huiles essentielles » de J.-M. Lardry. Année 2007.

3. Etude « Neurodepressive effects of the essential oil of Lavandula angustifolia Mill” de J. Guillemain, A. Rousseau et P. Delaveau. Année 1989.

4. Article « Les huiles essentielles référencées à l’Agence Européenne du Médicament » de Clémence Socasau. Année 2018.

5. Etude intitulée « Effects of the essential oil from Citrus aurantium L. in experimental anxiety models in mice” de Pultrini Ade M. Année 2005.

6. Article « Pharmacological effects of volatile oil of Valeriana amurensis on CNS » de Jun-kai Wu 1 , Jin-hai Huo, Xiao-wei Du. Année 2007.

7. Selon la thèse de doctorat en pharmacie de Deschepper R. intitulée “Variabilité de la composition des huiles essentielles et intérêt de la notion de chémotype en aromathérapie ». Année 2017.

8. Selon la thèse de doctorat en pharmacie de Lienard H. intitulée « Intérêts, limites et toxicité́ des huiles essentielles ». Année 2012.

9. Selon l’article intitulé « Les huiles essentielles » du Centre Anti-Poison Animal et Environnemental de École Nationale Vétérinaire de Nantes.

10. Selon le compte-rendu de Dr. Nausicaa Ballot intitulé « Aromathérapie : interactions et effets indésirables utiles à connaitre en soins premiers » du Collège des Enseignants de Médecine Générale de Lille. Année 2018

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