Le vapotage : à favoriser ou bien à déconseiller ?

Notre Expert : Pr Jean-Michel CHABOT

Jean-Michel Chabot est médecin et Professeur de santé publique. De 2010 à 2017, il a été conseiller médical de la Présidence de la HAS et membre de la Commission nationale des études de santé (CNES). De 2002 à 2004, il avait été conseiller au cabinet du ministre de la Santé Jean-François Mattéi après avoir été secrétaire de la conférence des Doyens de médecine de 1998 à 2002. Actuellement, il poursuit son activité aux comités de rédaction de la Revue du Praticien et du Concours Pluripro.

Un débat agite aujourd’hui les spécialistes de la lutte contre le tabagisme en Amérique du Nord, en particulier ceux du Département de santé publique de l’école de médecine de Yale sur la côte Est des Etats-Unis. Ce débat tourne autour d’une question simple : faut-il ou non, décourager ou même combattre l’usage de la e-cigarette (que l’on appelle aussi le vapotage) ?

En réalité, répondre à cette question n’est pas aussi simple. Cela dépend des patients et plus généralement des groupes de population auxquels on s’adresse.

Et la question est importante, parce que le vapotage est en augmentation constante depuis maintenant une dizaine d’années. Ainsi, une enquête canadienne, en 2019/2020, indique des pourcentages de 16 à 30 % de vapoteurs réguliers dans le groupe d’âge des 15/25 ans ; et moindre pour les sujets plus âgés. En France, les données disponibles sont plus anciennes : environ 6 % de la population, soit 3 millions de personnes dans la tranche d’âge 15/75 ans, selon le Baromètre santé 2015 de Santé publique France.

Les termes du débat sont les suivants, à la lumière des résultats des nombreuses études menées et publiées ces dernières années.

  • D’une part, le vapotage peut être encouragé chez les adultes fumeurs habituels, en particulier parce qu’il apparaît comme le meilleur moyen de restreindre et même de s’exonérer d’un tabagisme.
  • Mais d’autre part, le vapotage des adolescents – en forte hausse – doit être combattu, en particulier parce qu’il constitue un mode d’entrée confirmé dans le tabagisme classique (et le cas échéant dans d’autres types d’addictions).

C’est ce dilemme auquel sont confrontés les responsables à qui il revient de conduire les stratégies de prévention du tabagisme. De surcroît, l’apparition récente et l’usage/attrait croissant d’additifs parfumés pour le vapotage compliquent encore les choses : les interdire, comme l’ont fait certains états ou comités aux Etats-Unis, peut limiter le vapotage des adolescents, mais il limite aussi celui des adultes fumeurs de tabac, réduisant ainsi leurs chances de vaincre leur tabagisme classique.

Bref, le sujet est complexe. Une solution, qui n’est cependant pas pleinement satisfaisante, pourrait consister à autoriser la vente de tabac sous toutes ses formes et de e-cigarettes aux seuls sujets adultes (et donc à l’interdire pour les adolescents) ; en faisant peser des pénalités financières aux organisateurs des circuits commerciaux qui y contreviendraient. Mais on sait bien que les interdictions ou plus largement les stratégies de « prévention punitive » ne constituent pas les solutions idéales.

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